Entreprise libérée : Au-delà des clichés

Entreprise libérée : Au-delà des clichés

Entreprise libérée : Au-delà des clichés 1100 550 Philippe Baran

Dans le cadre des conférences teaser de la Fabrique du Changement, nous avons eu le privilège de recevoir Alexandre Gérard, le patron de plus en plus de Chronoflex. J’avais déjà eu l’occasion de le rencontrer à plusieurs reprises, et j’étais intéressé d’entendre si sa perception et son approche avaient changé depuis sa décision de « libérer » son entreprise en 2014.

Conférence d’Alexandre Gérard – ISARA LYON le 9 avril 2019

Voici donc quelques idées clés que je retiens de ce partage plutôt interactif et sans aucune slide.

 

Les obstacles au changement

Si on regarde tous les obstacles qui limitent la transformation des organisations, on peut les regrouper en 2 catégories :

  • La culture de l’organisation qui se traduit au quotidien par les comportements
  • La structure elle-même qui empêche l’émergence de ces nouveaux comportements

Un des grands risques est de vouloir démarrer par la transformation de l’organisation sans avoir au préalable fait évoluer la culture et les postures. C’est le meilleur moyen de déclencher des peurs sans donner aux collaborateurs les moyens de les dépasser, et de plutôt les inciter à mettre un grand coup sur le frein.

De la transformation culturelle…

La première étape est donc de commencer par la transformation culturelle, sans effet d’annonce mais avec une succession d’étapes concrètes pour amener le changement dans les relations et diffuser une culture collaborative. Pour Alexandre Gérard, tout est une question de posture, et il n’y a pas de modèle applicable en tant que tel.

Pour mettre en valeur ces nouvelles postures, on peut rappeler les multiples expériences scientifiques qui mesure l’effet Pygmalion, ou son contraire l’effet Golem. Ainsi cette expérience où l’on avait artificiellement gonflé les notes d’un groupe d’élèves. Au bout de quelques mois, le QI de ces enfants avait augmenté de 25%, simplement du fait de l’attention et du regard positif portée sur eux. A l’inverse, un regard négatif sur quelqu’un diminue sa confiance et ses résultats. Notre regard sur les choses les change. On peut ainsi faire le lien avec les théories bien connues X et Y de Mac Gregor sur le rapport au travail, et le poids des croyances qui entraînent une conception de l’organisation managériale, et crée une certaine réalité conforme à nos croyances.

Selon Deci et Ryan et leur recherche sur les théories de l’auto-détermination, il faut 3 ingrédients pour nourrir la motivation :

  • Un sentiment d’égalité intrinsèque.
  • La possibilité de se réaliser, en faisant converger ce que j’aime faire, ce que je sais faire et ce dont l’entreprise a besoin.
  • L’auto-direction et la capacité à faire ses propres choix

Ce changement de culture passe donc d’abord par un changement de croyance et un lâcher-prise du patron pour changer son rapport au pouvoir, lâcher son ego pour se mettre au service du collectif : passer du pouvoir du père au pouvoir des pairs, de la compétition individuelle à la performance collective, des symboles de pouvoir au sentiment d’égalité. La dernière étude Gallup et ses 6% de salariés engagés en France montre bien le chemin qui reste à parcourir. Ce n’est pas un hasard si ce taux atteint 33% aux Etats Unis, pays qui garde une forte culture du droit à l’erreur.

Selon Alexandre Gérard, une entreprise ne peut se libérer en bottum up, car c’est d’abord le dirigeant qui doit renoncer à son propre pouvoir, afin de créer les conditions pour que les choses puissent se faire par elle-même.

L’expression des émotions et la gratitude font aussi partie de ces compétences relationnelles à développer dans les organisations. Le public de la conférence s’est prêté au jeu pour expérimenter quelques exercices de communication, qui montre bien l’impact de la libération des émotions dans la relation, qui permet d’insuffler une énergie différente et apaisante.

… Vers la libération de l’entreprise

Pour le patron de Chronoflex, le chemin de la libération d’une organisation passe par 3 phases à suivre de façon chronologique :

  1. D’abord travailler sur le lâcher-prise des dirigeants avec du coaching individuel, pour changer les systèmes de croyance, la culture de l’ego et de la défiance.
  2. Puis engager la transformation culturelle en évitant les effets d’annonce, prendre le temps de remplir le seau de la confiance.
  3. Et enfin seulement lancer la transformation de l’organisation.

Selon lui, de nombreux échecs sont dus à l’absence ou l’insuffisance des deux premières étapes. Libérer son organisation est d’abord un colossal travail de posture qui demande du temps et de la patience, 2 ingrédients qui manquent bien cruellement dans nos entreprises.

Le management intermédiaire est souvent le plus impacté par ces changements de rôle et de posture, avec un risque de baisse de l’estime de soi. Cela nécessite de leur donner de nouvelles compétences, et plus particulièrement de les former à la facilitation, aux méthodes d’intelligence collective.

 

L’importance des erreurs

Ce fût, en synthèse, une soirée plutôt inspirante, pleine de bons sens et d’espoir pour transformer en profondeur le monde du travail. Et pourtant, je reste aussi sur une frustration sur ce que je n’ai pas entendu : partager aussi les difficultés bien réelles de ces entreprises qui ont fait ce choix courageux et complexe, parler des erreurs qu’Alexandre Gérard a lui-même forcément commises. J’aurais aimé l’entendre sur sa propre vulnérabilité, sur ses limites et ses doutes, me nourrir avec d’avantage exemples concrets sur ce qui se vit aujourd’hui chez les collaborateurs de Chronoflex, et surtout sans occulter le meilleur comme le pire. Nul doute que ce sera pour une prochaine conférence.

 

Pour continuer cette inspiration, ne pas oublier la très belle journée qui s’annonce le 21 mai prochain à Lyon avec la Fabrique du Changement : une trentaine d’intervenants, des ateliers décalés, sans blabla et directement opérationnels pour nourrir sa propre créativité et s’engager sur la voie de l’innovation managériale.