Manipulation ou accompagnement du changement ?

Manipulation ou accompagnement du changement ?

Manipulation ou accompagnement du changement ? 1980 1114 Philippe Baran

Cette question peut paraître provocatrice, mais c’est pourtant ce que ressentent de nombreux salariés lorsqu’ils se trouvent confrontés à une énième réorganisation imposée par la direction.

Les signes ne trompent pas : les injonctions paradoxales se multiplient, les patrons sont loin d’être exemplaires, les décisions sont pensées et décidées tout en haut de la pyramide. Mais heureusement, une équipe de consultants expert en changement a été payée très cher pour lever les résistances et faire de la « conduite du changement ». Alors elle organise des groupes de travail pour distiller un peu de participatif, pour faire adhérer à des décisions déjà prises par d’autres. Elle définit un beau plan de communication avec un grand show pour bien sûr donner du sens et embarquer tout le monde.

Est-ce que ça marche tout ça ? Comment expliquer que, selon de nombreuses études, 70 à 80% des projets de transformations aboutissent à des échecs ?

Des défis de taille

De nombreux défis sont à relever par les entreprises : celui de l’engagement des collaborateurs qui ne cessent de diminuer (cf enquête Ipsos), de la confiance à retrouver, de l’innovation à booster. Et le défi le plus important est sans doute celui de la complexité, de la feuille blanche à réinventer en permanence, des changements de paradigmes quand tombent tous les anciens repères. C’est pourquoi les modes d’organisation pyramidale ne sont plus adaptés, car ils ont été conçus pour exécuter des tâches, pas pour gérer des problèmes complexes. Olivier Zara fait bien la différence et souvent de la confusion entre l’intelligence de la conception et l’intelligence de l’exécution.

Mettre du participatif ou de l’intelligence collective sur l’exécution ne marche plus car il aurait fallu en mettre bien avant, au risque de passer pour des manipulateurs. Les modes d’organisations sont en pleine révolution, et on parle de plus en plus d’autonomie, de responsabilisation, de sens, de confiance, de liberté.

Des solutions possibles

Si les organisations changent, alors il faut repenser les modes d’accompagnement des projets. On peut concevoir le changement comme un voyage, avec 2 visions très différentes. D’une part celle du voyage organisé où tout a été pensé par des experts, où le programme est connu à l’avance, les surprises soigneusement évitées. Et d’autre part le voyage d’aventure où les imprévus rythment les journées, où il faut trouver son itinéraire, prendre des risques, accepter de perdre ses repères.

Parce que le changement dans nos entreprises ressemble plus à une expédition vers l’inconnu qu’un tranquille séjour de vacances, les modes d’accompagnement doivent évoluer en diffusant une réelle culture de l’intelligence collective. Une expédition ne peut se faire sans l’implication de tous les acteurs, en acceptant de lâcher prise face à l’incertitude, de mettre de côté son ego, en accueillant ses émotions et celles des autres, en prenant le temps de se parler pour décider tous ensemble, de faire confiance à ce qui va arriver et que l’on ne peut pas imaginer à l’avance.

Quand on cherche à faire adhérer au changement, c’est qu’il est déjà trop tard. On ne conduit pas le changement puisqu’il s’impose de lui-même. Mais on peut s’y préparer autrement, comme on conduirait une expédition à la découverte d’une terre vierge.