Transformer ses peurs en forces

Transformer ses peurs en forces

Transformer ses peurs en forces 1000 667 Philippe Baran

En nous confrontant à une situation complètement inconnue, cette crise sans précédent active un virus bien plus contagieux que le covid-19, celui de la peur. Et c’est bien normal car la peur est l’émotion la plus puissante qui a permis l’adaptation et la survie de l’espèce humaine.

Toute émotion a une utilité et nous envoie un message pour nous adapter à notre environnement. La peur nous relie à notre besoin le plus primaire, celui de la survie face au danger. Sans la peur, nous aurions disparu depuis longtemps, et nous partageons cette émotion avec les autres espèces animales.

Les explorateurs, les alpinistes et tout sportif engagé apprennent à vivre avec elle, comme le dit justement Christian Clot : « C’est parce ce que j’ai peur que je suis encore en vie ». C’est donc tout à normal et physiologique que la découverte de l’inconnu active nos peurs, car elles sont là pour nous avertir d’un danger potentiel dans un territoire que l’on ne connaît pas, avec le but ultime de rester en vie. La peur nous transmet une information, nous alerte sur notre besoin de sécurité, active toutes nos ressources pour trouver la bonne parade ou le bon comportement pour faire face à l’imprévu.

Alors finalement, où est le problème ? Comment ont agit ces grands hommes qui ont fait basculer l’histoire et qui ont forcément partagé la peur de mourir ? Pourquoi est-ce parfois si difficile de dépasser ses peurs de l’inconnu ?

Car l’autre versant de la peur, c’est lorsqu’elle devient angoisse ou panique, lorsqu’elle nous cloue au sol et dans l’incapacité d’agir, lorsque notre esprit de clairvoyance se dissout dans les palpitations du cœur, lorsque nos pensées s’embrouillent, lorsque notre instinct de survie nous pousse à nous replier sur nous-même ou à rejeter l’autre sans aucune compassion ni empathie.

Alors y aurait-il des bonnes et des mauvaises peurs, entre celles qui nous transcendent et celle qui nous poussent vers la fuite, le repli ou l’agressivité ? C’est vrai qu’il faut bien distinguer 2 types de situation :

1-     La première peur se déclenche face à un danger physique immédiat. Elle nous dope à l’adrénaline pour mobiliser toutes nos ressources corporelles et trouver la meilleure solution face au danger. Elle est saine et nécessaire, et c’est l’essence même de notre capacité d’adaptation et qui nous pousse à nous dépasser.

2-     La seconde peur est créée par nos pensées face à quelque chose qui n’existe pas en face de nous à l’instant T. C’est une construction mentale qui nous ballade dans l’illusion du temps, en nous croire que notre histoire est la réalité. 90% de nos peurs sont des peurs par anticipation, souvent bien éloignées d’un danger physique et immédiat. Ce sont des films dont notre cerveau raffole pour prendre le contrôle.

Comme toute émotion, la peur est là pour nous pousser à agir, à prendre une décision, à choisir un comportement qui nous permettra de nous adapter au danger identifié. Le problème, c’est quand il y a un décalage temporel entre l’émotion et son comportement associé d’un côté, et la réalité de la situation dans l’instant présent de l’autre côté.

L’autre problème, c’est le risque d’inhibition de la pensée, comme si nous coupions de notre capacité à objectiver, à être créatif. Le moteur des pensées s’emballe et peut déclencher un tsunami émotionnel qui mène à la panique. Dans ce cas-là, la peur est rarement protectrice ni créatrice de solution, car il y a mensonge sur la réalité objective. Au contraire, la peur alimentée par nos pensées fait tout pour nous couper de notre créativité.

Alors comment éviter de tomber dans le piège de ces peurs trompeuses ? Comment reconnaître nos peurs saines et utiles pour les transformer en forces ?

Voici 5 étapes clés pour mieux les accepter et en faire de puissants leviers d’action.

1)     Accepter. C’est ce que disent tous les explorateurs confrontés à un environnement contre lequel ils ne peuvent rien. Lutter contre le vent, les vagues, la neige ne changent rien et conduit vite à l’épuisement. C’est illusoire de lutter contre quelque chose sur lequel nous n’avons aucun contrôle ou maîtrise. Et ceci est valable dans les domaines de notre vie. La meilleure réaction n’est pas la lutte mais la créativité, l’apprentissage.

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2)     Ressentir : de nombreuses méthodes psychocorporelles utilisent cette approche pour la gestion des émotions toxiques. La meilleure façon de se déconnecter d’une peur est de se couper des pensées qui la ravive en permanence. Alors comment faire :

  • Ressentir la peur au niveau physique, dans tout son corps, l’amplifier, la laisser se répandre sans penser à l’événement déclencheur. Faîte l’expérience au moins une fois, et vous serez étonné de sentir qu’il suffit le plus souvent de 2 à 3’ pour que l’émotion s’évapore d’un coup.
  • Sentir son corps, ses pieds, les tensions musculaires, écouter les bruits autour de soi. Quand je sens, je ne pense pas et j’évite à mes peurs – pensées de prendre le contrôle.
  • Même chose pour la respiration, car le souffle nous ramène dans le présent, il ne connaît même que cela. Respirer dans le futur est dénué de sens, alors que la peur créée par nos pensées nous projette dans un avenir improbable. Il n’y a qu’une seule réalité physique, c’est le moment présent.
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3)     Objectiver : recueillir toutes les informations factuelles face à un danger potentiel, et identifier calmement si vous êtes face à un danger physique immédiat ou une peur par anticipation. Il suffit de se poser à soi même quelques questions toutes simples :

  • De quoi ai-je réellement peur ?
  • Est-ce train de se passer maintenant ?
  • Suis-je sûr à 100% que ça va se passer comme ça ?
  • Qui pense cela aujourd’hui : moi ou les autres ?
  • Qu’est ce qui pourrait m’arriver de pire ?

Ces quelques questions suffisent souvent à faire baisser la pression et le sentiment de stress, à retrouver un peu plus de lucidité, condition indispensable pour donner libre cours à sa créativité et trouver d’autres options.

Par ailleurs, une peur saine nous envoie des informations sur l’environnement en passant par le corps et le ressenti. Observons, écoutons, partageons des informations en évitant la tentation de rejeter tout ce qui n’est pas conforme à nos croyances et à notre vision du monde, abandonnons nos certitudes pour ouvrir la porte à des solutions nouvelles.

4)     Créer et apprendre : les grands hommes, les explorateurs, vous et moi, tout le monde est confronté à la peur face à l’inconnu et à l’incertitude. Ce qui fait la différence, c’est la capacité à garder un esprit de conquête, c’est d’oser agir et aller vers des choses qui nous font peur ou nous dérangent, oser faire des choix pour se mettre en mouvement sans rechercher la perfection ou une certitude qui n’existe pas. C’est ce qu’on appelle aussi le courage.

Cet esprit de conquête passe par la créativité, l’apprentissage, la curiosité. Notre force, c’est notre imagination qui nous ouvre le chemin pour nous dépasser. Rien n’est plus puissant que notre créativité pour surmonter nos peurs, à condition aussi de savoir perdre, de lâcher des choses auxquelles on s’accroche et qui souvent nous définissent aux yeux des autres, de se séparer d’une part de son ego devenu trop encombrant.

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5)     S’émerveiller : mais ces clés ne sont possibles que si l’envie est présente pour nous donner l’énergie d’avancer. Comme le dit l’explorateur Christian Clot « ce qui nous empêche d’avancer, ce ne sont ni les difficultés des conditions, ni les incertitudes mais le manque de but et d’envie ».

Ce sont nos rêves, notre capacité à nous émerveiller de la vie qui nous permettent d’avoir le courage de transformer nos peurs en forces, qui nous donnent l’audace d’agir et d’avancer en terre inconnue.

Pour sortir de cette crise et éviter de nous recroqueviller sur nos peurs, apprenons de nos erreurs en évitant les polémiques stériles, mais surtout construisons un projet de société qui nous rassemblent au service d’un monde meilleur. Tout collectif, équipe, organisation, entreprise a besoin de construire des rêves pour s’émerveiller et ressentir l’envie plus forte que la peur.

Comme le dit si bien Mike Horn, « si tes rêves ne te font pas assez peur, c’est qu’ils ne sont pas assez grands ».