Se connecter à l’essentiel

Se connecter à l’essentiel

Se connecter à l’essentiel 500 333 Philippe Baran

Se reconnecter à l’essentiel

Un proverbe tibétain dit que « le voyage est un retour vers l’essentiel ».  La question que je me pose après ces 2 mois de confinement vécu comme un voyage intérieur, c’est de savoir quel est cet essentiel pour pouvoir me projeter dans un avenir incertain. Dans un monde imprévisible, sur quoi se raccrocher si ce n’est sur cet essentiel qui est par nature stable et profond, capable de résister aux tempêtes extérieures ?

Je crois que se connecter au sens et à l’essentiel est une condition impérative pour cultiver la résilience et la confiance, pour continuer à avancer sereinement dans un monde chaotique et inconnu.

J’ai pu récemment avec un de mes clients faire partager les ressentis des managers afin de capitaliser sur leurs apprentissages et leurs besoins. Voici les 5 points clés qui ont émergé, et qui peuvent certainement concerner d’autres entreprises ou équipes :

1 – Se poser la question et revenir au sens de la mission, à l’essentiel pour chacun et pour l’organisation en tant qu’organisme vivant. Cela nécessite de redéfinir les priorités, les rôles de chacun, les objectifs, les indicateurs, la communication, la gestion des mails…

2 – Permettre aux collaborateurs de garder cette énergie déployée pendant la crise, emplie de créativité, de coopération, de solidarité. Garder cette capacité d’innovation et d’autonomie que les équipes ont mis en œuvre sans demander l’assistance des chefs.

3 – Continuer et préserver une autre qualité de relation, à l’heure où les outils digitaux et la distanciation physique ont aussi pu créer plus de proximité relationnelle, avec plus d’attention à l’autre et de bienveillance.

4 – Renforcer les liens de confiance qui se sont créés pendant la crise, où certains collaborateurs se sont révélés et ont pu exprimer une part cachée de leur potentiel.

5 – Oser changer les façons de travailler, le mode de gouvernance et d’organisation en intégrant d’avantage l’échelon local, en écoutant les besoins du terrain, en acceptant plus d’agilité et moins de rigidité dans les process, en développant l’intelligence collective dans un mouvement de co-construction permanent.

Ces 5 défis peuvent aussi être menacés par un réel danger pour que ce voyage ne soit finalement qu’une illusion perdue. Le danger de vouloir reprendre le pouvoir et le contrôle, de défendre sa place et celle de son ego, persuadé d’avoir raison et incapable de laisser les autres exister sans lui. Le retour de bâton peut alors être brutal avec un sentiment amer de frustration, l’impression de s’être battu pour rien.

Il est aujourd’hui indispensable pour toutes les organisations de développer une intelligence de survie pour s’adapter et continuer à exister. Les sociétés qui survivront aux changements à venir sont celles qui auront pris régulièrement le temps de se poser pour se questionner sur cet essentiel, de le remettre au cœur de leur fonctionnement en y intégrant toutes les parties prenantes : collaborateurs, managers, clients, fournisseurs, partenaires.

J’adore et utilise beaucoup l’approche de Otto Scharmer du Presensing Institut avec la Théorie U, et qui prend aujourd’hui tout son sens pour inventer un futur émergeant. (https://www.presencing.org/). Il y a 3 questions clés que chacun peut se poser pour lui-même et pour chaque collaborateur :

  • Qu’est ce que je sens qui est en train de disparaître, de lâcher, de mourir dans mon organisation ?
  • Qu’est-ce que je sens qui est en train d’émerger, de naître, d’apparaître dans mon organisation ?
  • Vers quoi ai-je envie de m’engager en écoutant mon cœur, qu’est ce qui me fait vibrer pour demain ?

Car cet essentiel ne peut se construire qu’avec la tête. Tout changement profond passe d’abord par l’intégration émotionnelle pour pouvoir lâcher ses anciennes croyances, `ses habitudes et modèles mentaux. La transformation collective démarre toujours par une transformation individuelle et un voyage intérieur, tout en restant connecté avec les autres et avec le monde.

Voici quelques recommandations concrètes pour mettre en mouvement tous les collaborateurs dans cette dynamique collective :

  • Mettre en place des espaces de partage, en visio par ex en utilisant des process d’intelligence collective
  • Laisser chacun exprimer ses ressentis et accepter sans chercher à convaincre
    • Eviter d’aller trop vite sur les actions concrètes
  • Fédérer autour d’un sens commun, d’une vision partagée pour l’avenir
    • Parler du « pourquoi » avant le « comment »
  • Favoriser les échanges en petits groupes pour faire émerger des propositions (méthode KISS par ex)
    • A stopper
    • A garder
    • A améliorer
    • A inventer
  • Responsabiliser et impliquer tous les collaborateurs dans le choix et la prise de décision
  • S’appuyer sur les ambassadeurs pour piloter la mise en œuvre et le suivi des propositions
  • S’engager soi même en tant que leader et donner de la visibilité aux actions

Je crois que le chemin du renouveau passe d’abord par le cœur, le ressenti et aussi ce que l’on appelle l’intuition. Un chemin où la peur laisse la place à la confiance, où la coopération parle plus fort que la compétition, où la bienveillance devient enfin une valeur fondatrice dans nos organisations.

Cette crise est l’opportunité d’accélérer les transformations, alors j’espère que celle-ci nous mènera avec joie sur les chemins de l’essentiel.